Bailly-Romainvilliers autrefois

Patrimoine de Bailly-Romainvilliers

Au Moyen-âge, Bailly constituait le village, avec une église, des fermes et un château. Romainvilliers, dont le nom vient du latin romanus (le romain) et du latin villa (le domaine), était un hameau au milieu des champs.

Au XIIème siècle, s’élevait un prieuré qui dépendait du Comté de Champagne. Il était situé au centre d’un territoire paroissial recouvert de bois, origine du hameau de Bailly.

Les recherches actuelles, effectuées par l’INRAP, ont permis la découverte d’une nécropole primitive au sein de laquelle ont été recensées une quarantaine de tombes regroupées autour de la sépulture à la cloche. Ce cimetière définit un établissement communautaire, un hospice.

Dès 1172, des textes citent la maison seigneuriale de Bailly. La transformation de ce manoir en édifice fortifié a lieu vers 1250.

Au XIIIème siècle, vers 1280, les moines de l’abbaye de Saint Germain-des-Prés transfèrent à Bailly le siège de la paroisse de Romainvilliers. Le prieuré est situé à côté de l’église. Un autre prieuré est établi au lieu-dit Les Petites Hermières.

Bailly conserve les vestiges d’un ancien château construit au XIVème siècle, chef-lieu d’une seigneurie assez importante qui s’étendait jusqu’à Serris.

La seigneurie de Bailly appartient en 1575 à Thomas Pileur, seigneur de Serris et de Magny-le-Hongre. À sa mort en 1641, son gendre Hardouin Foucher (dont la pierre tombale est conservée dans l’église de Bailly), marié à Valentine Pileur, hérite de Bailly. Claude Barre, avocat en la Cour du Parlement, est seigneur de Bailly vers 1667. Il vend la seigneurie à Marie-Nicole Guillebon, épouse de Jean Jourdan, secrétaire du roi. Le gendre de cette dernière, l’amiral François Morin de Tourville hérite de la terre (1642-1701) et la revend à Gilbert Antoine Ligier de La Prade, écuyer du roi. Le dernier seigneur de Bailly est le marquis Louis Paul de La Motte Ango de Flers, dont les biens seront vendus comme biens nationaux pendant la Révolution.

L’ancien château des seigneurs de Bailly, bâti sur un terre-plein rectangulaire, entouré de douves et accessible par un pont fut détruit. Seuls subsistent quelques vestiges (douves, donjon, anciens murs…), la ferme du Donjon, la ferme de Valois et les maisons du Hameau situées dans l’actuelle rue du Poncelet.

Jusqu’en 1864 le siège de la commune se situe à Bailly. Devenu simple village agricole, Romainvilliers conserve néanmoins une chapelle de dévotion (Notre Dame). Cette chapelle modifiée devient plus tard une ferme appelée Saint-Blandin, dont la grange abrite au début du XIXème siècle les restes d’une chapelle du même nom. D’après un plan général de 1883, il existait également à proximité la Ferme des Champs.

Jusqu’en 1864 le siège de la commune était à Bailly où se trouvaient l’église, le château et les grosses fermes.

Au début du 20ème siècle une route fût construite reliant Coulommiers à Paris et passant par Romainvilliers.

Grâce à cette nouvelle voie de communication, le hameau de Romainvilliers se développa. On y construisit la Mairie qui servait également d’école et une grande place et des commerces s’installèrent.

Romainvilliers devint alors le chef-lieu de la commune et Bailly un hameau.

A présent, le hameau de Bailly est constitué essentiellement de deux fermes traditionnelles, de Valois et du Donjon, ainsi que de l’église, dernier vestige de l’ancien prieuré.

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Bailly conserve les vestiges de l’ancien château construit au XIVème siècle. Les actes notariés de 1528 décrivent : « Un pavillon en façon de donjon à l’entrée du château, garni de deux tournelles demie rondes sur le devant et carrées. Par devant, ayant des mâchicoulis en pierre de taille. Dans le pavillon, il y a deux chambres carrées l’une sur l’autre, et une chambre devant le comble, en bas prisons, par haut à garde robes et petit cabinet et, à l’extérieur, adossé au pavillon, un escalier à vis et un petit carré, servant de latrine. »

La ferme du donjon

Des personnages illustres ont rendu visite aux différents Seigneurs de Bailly, dont Philippe IV dit Philippe le Bel en 1311, Charles IV en 1326 et Philippe VI de Valois en 1350. Au XVème siècle, le Prieuré est vendu au seigneur de Bailly, Thibaud de Signet. Il devient alors un espace privilégié pour la chasse. La guerre de Cent Ans, qui fait rage aux XVème et XVIème siècles, épargne le hameau de Bailly. Ce site est alors, jusqu’à la Révolution, la résidence de grands personnages de cour, parlementaires, écuyers, avocats du Roi. Au fil du temps, le Donjon restera la seule partie qui traversera l’histoire, malgré les démolitions ordonnées à la Révolution. À la fin du XVème siècle, la seigneurie de Bailly est détenue par Robert Thiboust, président à la Cour qui transforme la maison-forte en château résidentiel.

Au XVIIème siècle, le bailliage est une cour de justice seigneuriale.
Au XVIIIème siècle, une ferme est adjointe au château de Bailly. Un porche y donne accès. L’ornementation de cette entrée imite les constructions normandes en pans de bois.

Massif et encadré de tours crénelées, le donjon est restauré en 1856, dans le style des châteaux forts médiévaux alors en vogue.
Des travaux de confortement pour le hangar, le donjon et les écuries sont réalisés par l’EPAFrance de juillet à octobre 2011. Malheureusement, le pavillon de chasse, dont l’état de délabrement le rend dangereux, ne pourra être récupéré. Trois interventions sont prévues : travaux de charpente, couverture et étanchéité, de maçonnerie et reprise de structure et de menuiseries.

L’ÉGLISE NOTRE DAME, DATATION XVIIIème SIÈCLE

L’église érigée à Bailly sous le patronage de l’Assomption de la Vierge est restée à la collation des moines de Saint-Germain-des-Prés jusqu’à la Révolution. La chapelle du Prieuré était elle située dans l’église même de Bailly, près du choeur.
Aucun document ne permet de préciser la date de construction de l’église érigée à Bailly. À la fin du 15ème siècle, cet édifice est appelé Notre-Dame de la Condre.

En 1929, les paroissiens de Bailly-Romainvilliers adressent une virulente pétition au conseil municipal : ils demandent la destruction de l’église Notre-Dame, située dans le bourg de Bailly et réclament la construction d’une chapelle sur le hameau de Romainvilliers. Le maire transmet cette demande au Préfet de Seine-et-Marne. Ce dernier répond que seul l’évêque est en mesure d’autoriser la destruction d’un édifice cultuel, et que, par ailleurs, la séparation de l’Église et de l’État de 1905 lui interdit toute mise de fonds dans la construction d’une église. C’est ainsi que Notre-Dame de Bailly est conservée.

L’église Notre-Dame, qui dispose d’une cure et d’un vicariat, est dotée d’un presbytère daté du XIXème siècle et d’un prieuré. Les habitants de Bailly ont été inhumés à l’intérieur ou autour de l’église, selon leur rang, jusqu’à la fin du XIXème siècle. Actuellement, l’église de Bailly-Romainvilliers est appelée Notre-Dame de l’Assomption. Elle est située rue du Poncelet, dans le hameau.

LE CIMETIÈRE

Malgré la loi napoléonienne du 23 prairial an XII, qui oblige les communes à installer leur cimetière extra-muros, le cimetière n’est déplacé en périphérie du village qu’en 1890. La croix de pierre, caractéristique du XVIIème siècle, placée dans l’allée centrale, provient probablement de l’ancien cimetière.

LE BOURG DE ROMAINVILLIERS

Le bourg de Romainvilliers est à l’origine un village au caractère briard caractéristique avec quelques groupements d’habitations en cours, associés à de petits corps de fermes, d’anciens écarts, quelques maisons ou des corps de ferme plus importants (Ferme de Saint-Blandin). Ce village ancien autour de la place conserve de nos jours un rôle « administratif » et rassemble certains symboles de la vie collective.

L’ANCIENNE MAIRIE-ÉCOLE

Bâtiment rectangulaire et symétrique surmonté d’un clocheton, la mairie-école de Bailly est caractéristique des édifices communaux construits au XIXème siècle. En 1921, la commune de Bailly-Romainvilliers souhaite élever un monument à ses soldats morts pendant la Première guerre mondiale, mais opte pour une simple plaque commémorative par manque de fonds. Elle est apposée à proximité de la mairie. Depuis 1999, la mairie s’est déplacée dans une extension qui jouxte ce bâtiment. Puis la réhabilitation de l’ancienne mairie a vu le jour. Pour respecter l’esprit de l’ancienne mairie, l’aspect extérieur de l’édifice est resté identique.

LA PLACE DE LA MAIRIE

Sa fontaine moderne en son centre, ses massifs floraux, le terrain de pétanque qui la jouxte, contribuent à son caractère. De part et d’autre de la Place de la Mairie, les deux anciens puits sont devenus un élément et un support de la décoration florale.

Les quelques cours encore présentes autour de la place du village deviennent un véritable élément de typologie de l’habitat. Elles participent à l’élaboration de l’image urbaine et au marquage identitaire du village. Elles constituent des micro-espaces dans lesquels se développe la vie de voisinage et participent à la variété des échelles urbaines du village. Elles constituent des espaces d’articulations urbaines entre l’espace public et l’espace privé.

LE LAVOIR (angle des rues du Lavoir et de Flaches) de Bailly était alimenté par trois systèmes aujourd’hui disparus : le système Hanriau avant 1876, le système Buignet du chapelet atmosphérique, en 1896, puis le moulin-à-vent Pilter, jusque dans les années 1970.

LA FONTAINE (rue des Mouillères)

LES CLOCHES (place de la mairie et à l’église). La cloche Charlotte place de la mairie est née pendant la Révolution, classée monument historique depuis octobre 1942. Sur son pied, il est écrit « les frères CHERON, fondeurs à Meaux m’ont fait ». La cloche de l’église est appelée Marie. Sur son pied, l’inscription « Mace Peti, procureur fiscal, Estinene Aubertet, Jean Petit Margvillier ».

Maurice Maeckelberghe racontait

Avant la ville nouvelle…

Sept mandats, quarante-deux ans passés au service de la municipalité comme conseiller municipal puis comme adjoint aux travaux pendant vingt-quatre ans, Maurice Maeckelberghe a eu le temps de participer activement à l’aménagement de sa commune. Non sans avoir vécu de savoureuses anecdotes qu’il nous livre ici.

A la fin des années 30, Maurice passait ses vacances scolaires à travailler à la ferme. « Il n’y avait pas de vacances, raconte-t-il. Seuls, quelques privilégiés pouvaient partir…Il fallait faire les récoltes, soigner les bêtes chaque jour. Ma sœur et moi accompagnions notre père. Plus âgée que moi, je la revois biner les betteraves ou ramasser les pommes de terre à la tâche. Tout était au sac, 50kilos à porter. Plus on en faisait, plus on gagnait

Un accident de travail aux conséquences dramatiques. « En 1938, décrit Maurice, mon père a été victime d’un grave accident de travail, l’handicapant fortement. Un beau matin, mon père graissait la mécanique du décrotteur à betteraves et du coupe-racines, aidé par deux jeunes – mon futur beau-frère et un habitant de la rue de Magny. Occupés à chahuter dans la meule de paille, ils ne virent pas arriver leur patron, excédé par la situation (on ne s’amusait pas à l’époque, il fallait travailler!). Bien décidé à leur faire reprendre leur travail, il réenclencha l’appareil sans se douter de la présence de mon père dont le maillot fut happé, suivi du bras qui fit un tour complet, écrasé, bloquant ainsi le moteur

Devant l’avancée allemande, une seule échappatoire : l’exode. Les hommes partis au front, un chef de culture est venu d’Alsace pour gérer la ferme pendant toute la durée de la guerre. Lorsque l’armée française battit en retraite, ce fut l’exode. « Nous étions environ trois cents dans le village, se rappelle Geneviève, l’épouse de Maurice, alors petite fille Corsange. Nous sommes partis avec la famille Trudon, eux aussi fermiers. Mon père avait attelé deux grandes charrettes remplis d’objets divers autant qu’inutiles. Nous allions doucement pour ménager les chevaux et avons passé la nuit dans la paille d’un hangar d’une ferme à Chaumes-en-Brie. Les autres animaux étaient restés, abandonnés sur place. Au matin, on a entendu le sifflement des Stukas, puis les Allemands nous ont dit que la guerre était finie et que nous pouvions rentrer chez nous.»

Pour Maurice, le retour à Romainvilliers prend une tournure tragi-comique. L’évacuation du village se fait en trois temps. Il y en a qui sont partis très vite. Ensuite, la future femme de Maurice a suivi avec sa famille. Cependant, certains décident de rester. « On est partis les derniers, avec la famille Blondé, précise Maurice. Nous avons appris qu’à Melun le pont était coupé et nous avons rencontré les Allemands à Fontenay-Trésigny. Le capitaine allemand nous a dit de retourner chez nous. S’il y a eu du mal de fait, a t-il insisté, ce ne sont pas les troupes allemandes qui l’ont fait mais les soldats français. Cet homme-là avait été compagnon quatre ou cinq ans chez Jean Cloud où il trayait les vaches. Il faisait sûrement partie de la 5e colonne et avait préparé le coup. Nous avions parmi nous un dénommé Jojo ayant fait la Légion étrangère et un peu « détraqué ». Il ne voulait plus remonter sur le tracteur pour le ramener à Romainvilliers. Seules, restaient les femmes, ma mère, la mère Froment, la mère Richard… mais, là, pas question de le conduire. Déjà à la tête d’un autre convoi, Albert Blondé m’a mis sur le tracteur attelé à deux chariots et à sa voiture, une vieille Renault, puis a embrayé… Et vogue la galère !

J’avais treize ans, mesurais 1,49m et ne pouvais débrayer. Lorsque je braquais, les roues avant, en fer, s’enfonçaient dans le goudron… surtout à partir de Jossigny. J’ai réussi à virer au cimetière, où il y a le Christ, suis rentré dans la ferme Blondé, et j’ai commencé à tourner autour du tas de fumier jusqu’à ce que le père Blondé vienne tirer sur l’embrayage pour m’arrêter. Aujourd’hui encore, je me demande comment j’ai pu regagner Romainvilliers.»

Pendant la durée de la guerre, la vie de la commune continue… Le 29 septembre 1940, le Conseil municipal, présidé par Charles Corsange, Adjoint au Maire, présente un projet d’adduction d’eau permettant d’utiliser, comme travail d’intérêt collectif, un grand nombre d’ouvriers au chômage. Ce projet sera abandonné par délibération du Conseil municipal du 23 février 1941. Motif : la municipalité de Magny le Hongre refusant de s’associer à la commune de Bailly, cette dernière ne pouvait assumer seule la charge des travaux à effectuer. Avec la guerre, la situation de plusieurs habitants devient précaire. Le Conseil municipal accorde des secours en matière d’habillement, parfois quelques œufs aux familles privées d’un père. Si la récolte d’un jardin risquait de se perdre, les légumes étaient attribués en priorité à une famille nécessiteuse.

Un cochon bien énigmatique 

Un cochon de la ferme, fraîchement tué, avait été stocké dans la cave. Le lendemain matin, plus de cochon. Pendant la nuit, le cochon avait été volé. Les gendarmes sont venus faire une enquête, perquisitionner chez tous les ouvriers qui étaient, bien sûr, suspectés en premier, avec les maquisards. Une mise en scène dans laquelle le capitaine de gendarmerie du moment semblait loin d’être innocent. Beaucoup ont pensé qu’il était le véritable coupable.

Le Briard n’a pas vraiment l’esprit ouvert 

La cartomancienne, réfugiée, faisait les cartes à tout le monde mais racontait surtout des histoires. C’était bien la seule qui s’exprimait tout naturellement. Son mari et elle avaient tenu une boutique de mercerie-lingerie à Paris. Le Briard étant renfermé, il ne parlait pas et se comportait souvent de manière que nous qualifierions, aujourd’hui, de rude. À l’époque, les gens ne se parlaient qu’à Pâques. Tout le reste de l’année, ils restaient repliés sur eux. Une certaine dame, même, dont nous tairons le patronyme, donnait des coups de canne aux enfants qui passaient devant chez elle.

Seule possibilité de s’en sortir : produire soi-même 

Pendant la guerre, le bourg comptait trois voitures. Sur Bailly, la population n’a pas vraiment souffert des occupants. Seul, l’un d’entre eux, très gentil, venait faire du ravitaillement en le payant normalement. Pratiquement toutes les familles pratiquaient la culture au jardin et le petit élevage, volaille, lapins… Seule, manquait la viande bovine. Pour les matières premières de première nécessité, le Kaïfa (épicerie ambulante) passait dans les villages. Maurice se rappelle avoir eu son premier vélo grâce à la vente par sa mère d’un morceau de cochon. Et puis, vers la fin de la guerre, la chute d’un avion allemand va apporter un peu d’espoir au petit Maurice.

La vie familiale de Maurice bascule le 10 janvier 1941, le lendemain de ses 14 ans. Son père, diminué physiquement des suites de son accident du travail en 1938 au cours duquel il avait perdu un bras, meurt, terrassé par une embolie.

« Pour aider ma mère, j’ai dû arrêter l’école et aller travailler. Je faisais le garçon de cour, allais distribuer de l’eau aux vaches. » La patronne, Mme Cloud, était la plus gentille. Quand elle allait au marché à Lagny, elle emmenait Maurice. Nous partions en cabriolet tiré par un cheval. Elle m’emmenait toujours avec elle mais je devais quand même faire tout le travail, là aussi. » Et il y avait les bêtes à soigner : quarante cochons, quarante vaches laitières, seize chevaux de trait de race percheronne menés par trois charretiers, bœufs charolais sous le joug. À l’entrée de la ferme, un «travail à bœufs» servait à les ferrer. Les quatre cents moutons Mérinos étaient, eux, soignés par un berger. Les travaux des champs étaient aussi très durs pour un adolescent. Il y avait du blé, de l’avoine, de l’orge, de la luzerne, du trèfle et, à l’époque, plus de betterave fourragère que de sucrière. De son côté, sa mère multipliait les petits travaux. « Ma mère cousait beaucoup. Elle allait à La Guette travailler ou garder la maison. »

Un bombardier allemand s’invite sur la Commune

En septembre 1943, un bombardier allemand a été surpris par quatre chasseurs canadiens. Il venait de Paris et partait pour l’Allemagne chargé, notamment, de caisses de champagne et autres delikatessen. «L’actuelle rue de Paris était toute droite, explique Maurice, croisait l’A4 et rejoignait ce qui est aujourd’hui la route Meaux-Melun. Il y avait là la séparation de deux clôtures par un chemin communal. Distants chacun de cinquante centimètres – pour que les vaches de l’un ne mangent pas l’herbe de l’autre -, les poteaux de clôture étaient en ciment. Abattu par les avions alliés, le bombardier s’est retrouvé au ras du sol et a suivi la bande de pieux en ciment jusqu’au petit bois situé à droite dans le virage de l’actuelle sortie de ville, en face du poste du peloton autoroutier. L’avion a été découpé en rondelles, l’équipage décapité. Un moteur a été projeté dans le petit bois. Mon futur beau-père était en train de labourer. Il a juste eu le temps de se jeter dans un sillon avant le passage de l’avion et failli être écrasé. J’étais en train de concasser du blé, une balle a traversé les tuiles, coupé le courant, et est venue se ficher au ras du moulin. Ne voyant pas le danger, je suis descendu à toute vitesse et, à mi-chemin, ai trouvé un révolver. Un fossé longeait le chemin bordé de poiriers qui menait au chalet de l’Ermitage, propriété de la famille Aubé, sur la route de Villeneuve-le-Comte. Par instinct, je l’ai poussé dedans. Heureusement, car, dix minutes plus tard, les troupes de l’occupant étaient sur place. Nous étions quelques curieux à regarder et avons été chassés sans ménagement par les soldats. Plusieurs jours après, je suis allé rechercher le révolver et l’ai donné à Jeannesson, le chef de culture qui était dans la Résistance. » Son chef local était le capitaine de gendarmerie de Crécy-en-Brie, le même qui avait fait parler de lui avec l’épisode du cochon. Malgré cet épisode glorieux, la guerre se prolongeait et les Romainvillersois, remplis d’espoir, continuaient à survivre au gré de la vie quotidienne et des anecdotes.

Après l’épisode du bombardier allemand abattu par la chasse canadienne, la vie tranquille des habitants va être troublée l’espace d’un dimanche matin. «Nous revenions de la messe lorsqu’un avion américain, touché par des chasseurs allemands, a voulu se délester de ses bombes pour regagner au plus vite sa base anglaise. Deux bombes sont tombées de chaque côté du chemin en face du cimetière, les autres dans le bois de Chigny à Lagny-sur-Marne, sans faire de victime.» Toutefois, une maison située à l’orée du bois avait été détruite. En revanche, grosse frayeur pour deux habitants de la commune. «André Chartier et le père Chapuis étaient occupés à trier des pommes de terre lorsque la déflagration les a projetés dans le champ avec le trieur de patates. Nous n’en menions pas large, tapis dans le fossé.» Avant la Libération, aux alentours du 20 août 1944, les Jeunesses hitlériennes – de très jeunes soldats nazis – ont été cantonnées, avant de battre en retraite, dans la ferme Saint-Blandin, occupée, actuellement, par l’entreprise La Limousine. Soumis à une discipline de fer, sans trop à manger, trois d’entre eux sont allés voler une poule et des œufs chez Gaston Turlin, propriétaire de la maison voisine. La victime du préjudice s’en est plainte. « Les trois jeunes ont été mis torse nu, forcés à courir autour de l’immense tas de fumier et, à chaque passage, recevaient de leur officier, des coups de cravache en travers du visage. C’était le régime de la schlague. J’étais dans le grenier et regardais, effaré, la bonne dizaine de tours effectués. Ces officiers allemands étaient des bourreaux.»

Le commerce à Romainvilliers dans la première moitié du XXe siècle.

«Pendant la guerre, seules trois voitures étaient du pays, celles du « père » Blondé, de Jean et Maurice Cloud et du grand-père Guitton qui faisait taxi. Sur la place de Romainvilliers, excepté l’hôtel-restaurant Au Coq Faisan, – actuellement Maison paroissiale des Portes de la Brie, au 5 rue de Magny –, tenu pendant la guerre par un Auvergnat du nom de Mangot, il n’y avait aucun commerce alimentaire. Seuls quelques commerçants ambulants venaient approvisionner la population avec leur camionnette: le boulanger, le charcutier, le boucher, le mercier venant de Villeneuve-le-Comte, le vendeur de vêtements d’Annet-sur-Marne et l’épicerie Le Kaïfa. Ici, nous avions toute la viande de basse-cour, alors, chez le boucher, nous n’achetions que de la viande de bœuf – pot-au-feu, bourguignon… Cependant, les ouvriers français n’avaient pas de cochons, élevés par les seuls propriétaires fermiers locaux et les Polonais, Espagnols et Portugais. A cette époque, il fallait s’occuper des charrettes et du ferrage des chevaux. Pour ce faire, on pouvait faire appel à un menuisier-charron et à deux maréchaux-ferrants, situés de part et d’autre de la place. Contrairement à d’autres régions qui ont beaucoup souffert d’exactions, nous n’avons pas eu à nous plaindre des Allemands. L’un d’eux venait même chercher du ravitaillement et a toujours été correct. Avant-guerre, l’hôtel-restaurant Au Coq Faisan a changé d’enseigne à plusieurs reprises et s’y sont succédé plusieurs tenanciers. Notamment Chez ma tante, propriété de Marcel Clément cédée, ensuite, à la famille Paulé d’où son nom de Maison Paulé. Enfin, il fut tenu par un certain Guilleminet avant de s’appeler Au Coq Faisan, sous la houlette de C. Carré et de tomber dans l’escarcelle du sieur Mangot. En cours de réhabilitation, l’actuelle grange de la rue de Magny renfermait des chambres pour les voyageurs. De l’autre côté de la rue de Paris, à l’angle de la rue de Flaches, un café-tabac a traversé les décennies pour fermer dans les années 90. Au début du XXe siècle, l’endroit s’appelait Au Rendez-vous des Chasseurs – Café-Tabac Lanciau avant de devenir Chez René, avec son épicerie, sa cabine téléphonique, puis, plus près de nous, s’équiper d’une pompe à essence et appartenir à la chaîne d’alimentation Moderdam, créée par Félix Damoy et future filiale de Félix Potin.»